9 Participant·es dont Pascale et mimi ; les autres découvrent la DF.
Mimi tilte.
Pas de thème réflexif.
Thème sensitif : Balancement.
À noter la présence de deux enfants, d’environ 5-7 ans, dont trois parents participent à la DF. Je leur explique comment va se dérouler les 3 prochaines heures, en leur demandant d’être autonomes au moins pendant l’éveil ; ensuite, ils pourront participer à la DF s’ielles le souhaitent. Ielles ont été très attentif·ves à respecter ces indications et ielles viendront un temps dessiner sur la bordure sans toutefois entrer sur l’espace scénique ; le temps leur semblera un peu long seulement vers la fin et j’arrêterai la DF en particulier suite à ce début d’ennui et le début de dispersion des parents.



Éveil sensitif
La DF a lieu dehors, dans un champ. Crottin de cheval séché, un petit cours d’eau en contrebas. L’éveil a lieu dans une partie d’ombre. Je propose d’abord d’y marcher, courir, de s’y secouer, de se rendre attentif·ve à ce qu’il y a autour avant de plonger dans l’éveil proprement dit. J’observe une nouvelle fois qu’il est beaucoup plus difficile de mener l’éveil dehors : sans cesse, l’extérieur nous appelle et nous distrait de nos sensations internes ; parce que l’espace est de plus ouvert, j’ai du mal à sentir « où en sont » les participant·es, à savoir comment ielles s’en sortent.
Pourtant, le temps qui mène au thème sensitif se déroule sans accroc, concluant sur « Balancement » après avoir hésité longuement sur « Bascule » ou « Basculement ».
Une participante dira plus tard que cela lui faisait étrange, à ce moment-là, de sortir du corps pour essayer de trouver un thème par l’échange de paroles. Une autre répondra qu’au contraire, c’était un processus intéressant que de voir comment le corps réagissait aux propositions de thèmes, de se rapporter au corps pour avancer à chaque proposition.

Forum
Les espaces sont marqués grâce à des branches, le fond de scène est donné par un arbre tombé. La bordure est sur deux côtés.
Danse 1
Chacun·e entre de dos. Habiter l’espace, le découvrir ; quelle consistance lui donner ? Y jouer. Rouler, culbuter, équilibre entre tendresse et tension. La sortie d’un danseur immobile engendre une « bataille » entre deux danseuses qui se roulent dessus. « Clopin clopant », la danse est rythmée par une intervention sonore sur la membrane. Se cacher en faisant comme l’autre. Hésitation, tentative, avancer par balancement.
Temps de parole 1
Je demande : Quand s’est-il passé quelque chose ? Et qu’est-ce qui vous fait dire qu’il s’est passé quelque chose.
– Un texte qui attrape, une parole qui donne de la force.
– Un geste qui enclenche quelque chose, qui dénoue.
– Une recherche d’équilibre et une confrontation en même temps.
– Un moment de jonction : de l’étreinte au rejet.
– Un regard intense suivi d’un geste très léger en contraste.
– Le moment où je me rends compte que G. bouge.
– Quelque chose qui prend forme petit à petit.
Je propose de repartir en étant attentif·ve aux moments de rupture, de cassure, mais aussi au moments de changements continus, deux types de « moments où il se passe quelque chose » qui sont apparus. Que cette attention soit motrice dans les entrées et les sorties : faire rupture s’il le faut, ou bien laisser se faire.
Danse 2
Les entrées sont d’abord rapides, mouvementées. Court en rond. Bloqué par un autre corps. 2, 3 puis 4 personnes courent en rond. En contraste, un autre traverse la scène lentement, guidé par cet autre côté dont on ne sait s’il est dans l’espace du regard.
On tombe, on se rattrape, on se relève. On s’épuise. On aurait envie que ce soit tranquille.
Puis J. chante. Un instant de grâce avec un corps de grâce. Un texte rien à voir vient faire rupture.
On cherche à s’appuyer sur les autres, suivre, s’inspirer, chercher le lien, on entre avec les autres en résonance.
Une personne me fait comprendre qu’elle hésite à partir. Je lui demande pourquoi. Elle dit qu’elle sent qu’elle décroche. Je l’invite à rester et lui propose justement de voir ce qu’elle peut faire de son ennui, de son décrochage, plutôt que de partir. Elle restera jusqu’au bout.
Interruption
J’interromps la danse pour proposer de faire attention aux besoins qui s’expriment : besoin de calme, d’espace, de casser… Qu’on se laisse guider par ces besoins.
J’invite en plus tout le monde à commencer sur l’espace scénique et d’y rester au moins une minute.
Danse 3

Nouvel instant magique : chacun·e sait ce qu’il doit suivre et le fait. J’observe un déploiement de singularités, l’espace s’ouvre, certain·es peu à peu sortent. Reste un corps de 5 personnes, un corps de multiples points, formes, lieux.
« Manque t-il quelque chose ? » dit, redit et reredit avec une certaine anxiété depuis la bordure. Une danseuse s’agite à 4 pattes, sous le regard d’un autre, immobile.
Temps de parole 2
Je demande des retours quant aux attentions que j’ai proposé.
– Les consignes m’aident à oser, à assumer. Cela aide à entre dans quelque chose, ça permet, ça donne l’autorisation.
– J’ai pu passer des idées à d’autres chemins : rythme, besoins… D’avoir le droit d’entrer avec ou contre la danse de quelqu’un, cela la désacralise, et ça crée quelque chose.
– Au bout d’un moment, j’avais envie de créer des ruptures partout ; et en même temps, il y avait cette autre consigne de prendre soin des moments qui durent.
– Plusieurs fois, je sentais que je voulais rompre mais je ne trouvais pas comment faire !
– Rompre est difficile, suivre ses besoins est une voie plus aisée.
– L’indication sur les besoins permet d’être moins dans la lutte avec le thème, avec ce qui se passe.
– J’avais envie de casser des moments, mais c’était beau aussi de ne pas le faire, de me forcer à ne pas le faire, pour laisser exister les choses.
Bilan
J’invite à faire des retours sur la pratique, ainsi qu’à considérer une question posée le jour précédent en plénière : quelle vie protège t-on ? quelle conception de la vie veut-on protéger ?

– Mon cerveau débranche dès que j’ai une pratique corporelle. Aussi comment dialoguer entre corps et esprit. Peut-être être dans le corps puis élaborer ? Je sens le besoin de mettrer des mots, des concepts sur ce qui s’est passé, comme si le corps ne suffisait pas ; ça me questionne.
– On se rencontre sur un autre plan et ça amène ailleurs ; et dire cet indicible qui se passe et qui compte, c’est un peu plat.
– Je pense qu’on ne parvient à quelque chose que si on n’a pas d’intention. Sinon, c’est de l’illustration. Ainsi, les idées ne peuvent pas mener la danse. (Mais qu’est-ce qu’on danse alors ? Quelle est cette chose qui nous fait danser ? Voilà qui est sans doute important.)
– Se rencontrer hors du langage, c’est une piste pour trouver des liens avec les non-humains, avec l’autre en général.
– Cela me pose la question de comment on crée du commun. Ce serait en faisant plutôt qu’en s’accordant sur des théories.
– Cela pose aussi la question de la stratégie politique. C’est quoi qui nous met en action ?
– Dans cet espace proposé ici, on peut subvertir les choses habituelles, les rapports de pouvoir par exemple ; on s’émancipe des relations qui existent ailleurs ; tout le monde est plus ignorant alors ça crée des rapports plus horizontaux.
– Il reste quand même des rapports de pouvoir, des personnes plus ou moins à l’aise. Et puis il y a le rapport avec le tilteur !
– J’aime bien le mot understand : dessous-se lever ; ça me parle après cette pratique.
– La question « S’est-il passé quelque chose ? », c’est une question qui résonne en politique, qui parle d’intensités.
– Je me demande si on a vraiment dansé, ce qui est danse et ce qui est théâtre.
Ces retours ont été riches et montrent que chacun·e a sur s’emparer des problématiques de la danse forum, qu’en tout cas le cadre a résonné dans les parcours, ainsi que dans les Rencontres elles-mêmes. C’était difficile de faire l’éveil dehors, mais j’ai beaucoup aimé tilter le forum.
Trouvailles
– La question « Quand s’est-il passé quelque chose ? » semble réutilisable et permet de focaliser sur le rythme et la narration. Quelqu’un d’ailleurs fera plus tard la remarque qu’on est beaucoup resté sur ces aspects narratifs de la danse.
-Faire partir tout le monde sur l’espace scénique avec l’indication de suivre ses besoins a vraiment eu un fort impact : la présence de chacun·e a rayonné et la qualité de la scène a suivi.
CR rédigé par mimi.